MoandreIl y a de cela bien longtemps, une déesse créatrice posa son regard sur la nature et décida d’en tirer la quintessence de la vie. Elle fit donc cadeau de la conscience à certains végétaux. Ainsi les cristaux de puissances donnèrent naissance à ceux que l’on appellerait plus tard les gardiens des forêts.
Dans un premier temps, Gaïa, puisque telle était le nom de la déesse créatrice, toucha de son amour les vastes forêts de conifères et de sapins. Puis, elle finit par les régions ou la nature était moins hospitalière.
La mangrove nord avait toujours été un lieu dangereux, peuplée de monstres et de prédateurs redoutables. Mais la déesse, dans son infinie bonté, dispensa sa bienveillance sur la gangue hostile et plus particulièrement sur un petit palétuvier rachitique et mourant. Pour faire de lui un être doué de conscience et de vigueur, il avait fallu un cristal particulièrement puissant. A peine fut-ce pensé, qu’un homme arbre de plus de deux mètre s’élevait déjà en place et lieu du Rhizophoracée
*. Elle le nomma Moandre et lui fit don de la force et la vigueur des protecteurs et du pouvoir des manipulateurs.
Puis, les humains vinrent à naîtrent. Ils amenèrent avec eux la maîtrise du feu et des machines. Leurs immenses besoins en bois pour alimenter leur technologie les menèrent à pratiquer une déforestation massive. Au début, dame nature acceptait et comprenait la nécessité des humains. Mais ceux –ci devinrent bien vite trop gourmant et risquait de mettre fin à la création de Gaïa.
Avec le soutient de leur déesse, la race végétale déclara la guerre aux hommes. Hélas, ces derniers possédaient machines et flambées et des temps sombres virent la quasi-extinction de ceux que l’on nommait désormais, les gardiens des forêts.
La guerre prit finalement fin et, grâce à l’aide inopinée de leurs cousins rocheux, les gardiens de la nature furent victorieux et forcèrent les humains à se retrancher dans le royaume sous terrain.
Le temps passa et les gardiens n’entendirent plus beaucoup parler des hommes.
Dans sa mangrove, un être sinueux arpentait la forêt aquatique jour après jour. Il l’a parcouru tant et si bien qu’elle n’eut bientôt plus aucun secret pour lui. Chaque recoin, chaque plante et chaque créature étaient connus de lui et nul ne pouvait se targuer d’aimer plus la mangrove, qu’elle soit du sud ou du nord.
Moandre en était le protecteur et gardien.
***
La créature qui s’avançait faisait bien dans les deux mètre quatre vingt, mais elle était recourbée et semblait rachitique et malingre. N’était ce pas une illusion ?
Les gardiens des forêts étaient réputés pour leur taille et leur longévité et celui-ci ne semblait pas être dans les critères de gigantisme de ce peuple, mais pouvait-on ce fier à ce que l’on voyait les concernant ?
Ses mouvements était lents et précis presque comme calculés à chaque secondes.
Ce qui passait pour des yeux luisait d’une petite lueur verdâtre qui semblait profondément triste. Où était-ce une impression ? Il fallait bien dire que son apparence générale n’avait rien de rassurant. Elle était même carrément inquiétante, en fait. Ses branches rachitiques et sans feuilles craquaient aux moindres de ses mouvements, comme du vieux bois pourris et il émanait de lui une odeur de mousse moisie.
A le voir ainsi, on aurait dit qu’il venait de sortir des méandres de la mangrove nord.
Moandre***
Une profonde inquiétude se lisait sur le visage de l’humain. Il sursautait et s’arrêtait, scrutant les frondaisons à chaque bruit. Il était sortie des cavernes et venu jusqu’ici pour trouver des racines de palontule, dont les vertus curatives puissantes pourraient sauver sa fille malade. Mais celles-ci ne poussaient que dans cette partie du monde et il fallait bien dire qu’il y avait plus tranquille comme endroit pour la cueillette. Et tranquille, ni le lieu, ni l’homme ne l’étaient.
Cela ne faisait qu’à peine trois quarts d’heure qu’il marchait dans les méandres boueux de la mangrove nord, quand soudain, une créature serpentine surgit des eaux saumâtres d’un ru plus que marécageux. Ne lui laissant pas le temps de réagir, elle s’enroula vivement autour de l’infortuné qui commença rapidement à suffoquer.
Alors qu’il croyait sa dernière heure venue, l’homme constata que l’étreinte se desserra sans le libérer, comme si la créature avait voulu le maintenir captif sans lui faire de mal. La tête de l’être reptilien se dressa à hauteur du visage de sa proie. Si elle avait quelque chose du serpent, elle avait aussi quelque chose de monstrueux. Allongée, écailleuse mais aussi cornue, tels étaient les premiers attribues visibles. Un meilleur examen aurait montré une gueule garnie de petits crocs suintants et une langue bifide, ainsi que des yeux jaunes barrés d’un trait noir. Des yeux qui semblaient vouloir enchaîner votre âme dans la terreur tant ils vous transperçaient de malveillance.
Tout aurait dû ce finir là. Et pourtant, non. Au lieu de cela, une voix grave et profonde, s’expriment avec une lenteur comme calculée monta de nulle part.
- Tu es bien loin de chez toi, créature humaine. Pourquoi tes pas foulent ils ma chère mangrove ?
L’homme terrorisé par le monstre qui le tenait à sa merci, cru que c’était lui qui lui parlait. Sentant venir les larmes, il répondit d’une voix tremblante et mal assurée.
- Je … je suis désolé messire serpent ! Je ne voulais p … pas troubler votre quiétude. Mais j’ai tant besoin de racines de palontule.
L’homme réalisant qu’il ne pourrait jamais ramener le précieux remède à sa fille succomba au désespoir et s’effondra en pleurs.
- Mmh ! Que peut bien avoir à faire une créature humaine de vielles racines inutiles, repris la voix mystérieuse.
La créature humaine en question répondit piteusement que sa fille était mourante et que c’était là le seul remède connu à son mal.
Soudain le serpent monstrueux lâcha sa victime, à contrecoeur semblait-il et disparu dans les eaux sombres. Puis aussi surprenant que cela puisse paraître, un arbre d’apparence tortueuse, décrépite et vaguement humanoïde sorti de la végétation comme un lapin serait sortie du chapeau d'un magicien.
Il se mouvait avec lenteur mais précision et tendit vers l’homme une branche qui ressemblait étrangement à un bras sur lequel reposait une femme d’une beauté éclatante. Sa peau était verte et sa chevelure avait la couleur rouille des feuilles d’automne. Elle fit un magnifique sourire à l’humain et lui tendit les racines qu’il cherchait.
La voix qu’il avait prit pour celle du monstre reptilien s’éleva à nouveau, mais cette fois, elle avait une origine. C’était l’étrange arbre qui parlait.
- Que la créature humaine prenne ces racines et qu’elle quitte la mangrove. Un autre jour, elle devra être plus prudente et ne plus venir dans le territoire de Moandre.
De la main végétale tendu, l’humain saisit en tremblant les racines curatives. Il balbutia de sincères remerciements, puis, sans demander son reste se mit en quête de son voyage de retour.
***
Moandre a un esprit végétal patient, primitif et tortueux et parle de lui et des autres à la troisième personne du singulier. Il n’aime rien plus que la mangrove qu’elle soit du sud ou du nord et n’apprécie guère les intrus. Il n’est en rien maléfique ou mauvais mais ne cherche aucunement à faire le bien autour de lui. En fait il n’a pas vraiment conscience du bien ou du mal. Malgré tout il respecte profondément toute vie et cherchera toujours une solution pacifique plutôt que destructrice.
Moandre traîne presque toujours ses racines avec Méalia, une dryade née dans la mangrove sud qu’il considère comme sa fille chérie.
*La famille des Rhizophoracées :
Ce sont des arbres et des arbustes, à racines aériennes, des milieux humides et salées des régions tropicales. Le principal genre est Cassipourea avec 62 espèces. C'est dans cette famille que l'on rencontre les palétuviers et d'autres plantes constituant la mangrove.